L’EXPOSITION AU MUSEE POUR LES CENT ANS DE L’ASSOCIATION « LES AMIS DE MORET ET DE SA REGION »
Lorsqu’elle a été fondée il y a maintenant un siècle, le 10 octobre 1925, l’association des Amis de Moret, se donnait pour objectif de faire connaître l’histoire de la ville et de sa région, de mettre en valeur son patrimoine et de faire rayonner ses productions culturelles, notamment picturales.
C’est pourquoi nous avons fait en sorte que l’exposition qui s’ouvre aujourd’hui ne célèbre pas seulement l’association elle-même mais aussi notre ville, avec tout ce qu’elle représente de richesse historique et culturelle.
Nous avons ainsi choisi de mettre en avant, parmi nos grands devanciers, plusieurs personnages qui ont compté dans l’histoire de la ville ou qui ont particulièrement œuvré à la faire connaître.
Eugène MOUSSOIR et Daniel GUITAT tout d’abord, qui, en tant que président et secrétaire, ont eu un rôle central dans la fondation et les premières années de l’association, et dont les noms sont attachés aux heures les plus sombres du siècle qui vient de s’écouler puisque le premier est mort à Buchenwald et le second à Auschwitz. Les panneaux que nous leur avons consacrés veulent marquer que nous n’entendons pas oublier ce qui s’est passé ici au cours de ce siècle.
Ensuite trois hommes de grand savoir et de grande culture qui ont incarné de manière éminente la vocation savante de l’association : Albert BRAY, Georges LOIRET et Albert DIDON, dont les panneaux que vous pourrez voir résument brièvement ce que nous leur devons.
Et enfin quelques-uns des artistes dont les œuvres témoignent du fait que, à côté de sa vocation savante, l’association s’est toujours montrée soucieuse des arts puisqu’elle a notamment été à l’origine d’un mouvement artistique connu comme l’école de Moret, mouvement dont le Salon que nous organisons chaque année perpétue l’esprit.
Cette exposition, dont nous espérons que vous apprécierez ce qu’elle vous donne à voir, n’aurait pas été possible sans le concours de bonnes volontés nombreuses que je ne saurais assez remercier.
La municipalité bien sûr dont nous avons pu éprouver la bienveillance tout au long de la préparation de l’exposition, et là je veux nommer en particulier Ariane VIDAL et Philippe CHARMEAUX, les responsables du musée, Isabelle PINEL, chargée de la culture et du patrimone, Myriam DESCOUTURES, à qui nous devons la belle affiche que vous avez pu voir et le petit livret explicatif qui sera mis à votre disposition. Et j’ajouterai que, si c’est moi qui suis en avant, en tant que président, c’est tout le bureau de l’association, notamment Régine DUBOS, irremplaçable dès lors qu’il est question de peinture et d’art, qui a été à l’œuvre derrière le montage de cette exposition.
Et, pour conclure ces trop brefs remerciements, je remercie aussi ceux qui ont pris sur leur temps que je sais compté pour se joindre à nous aujourd’hui, notre Maire Zikran DAKEOSSIAN et le président de notre communauté de communes Patrick SEPTIERS.
Allocution de Dominique CASAJUS, Président de l’association, à l’occasion du vernissage de l’exposition.
UNE SOCIÉTÉ SAVANTE À TRAVERS LE SIÈCLE

Le 10 octobre 1925, était créée l’Association des Amis de Moret, dont Eugène MOUSSOIR fut le président jusqu’à sa déportation en 1944 et dont Daniel GUITAT fut le secrétaire jusqu’à ce que les lois de Vichy le contraignent à la démission en 1941.
L’Association se donnait pour objectif de faire connaître l’histoire de Moret et de sa région, de contribuer à la protection de son patrimoine, de faire rayonner ses productions culturelles : dans l’un des premiers numéros de la revue, en 1928, on peut lire, sous la plume d’Eugène MOUSSOIR, une énumération des objectifs de l’Association dont voici un extrait :
Aider au développement et à la bonne renommée de notre petite cité, en faisant le meilleur accueil possible aux touristes et surtout aux si nombreux artistes qu’attire la ville de SISLEY.
N’est-ce pas les artistes qui ont porté dans l’univers entier le nom de Moret et nous valent des milliers de visiteurs qui, chaque année, se pressent dans nos murs ?
N’est-ce donc pas le devoir et aussi l’intérêt de tous de joindre leurs efforts aux nôtres pour conserver à Moret son délicieux aspect de vieille cité médiévale ?
Il y a sans doute quelque ingénuité à dire les choses de cette manière, mais le propos atteste que l’Association s’est souciée dès l’origine de la peinture et des arts. C’est ainsi qu’elle se chargea dès sa fondation d’enrichir le musée de Moret et fut plus tard à l’origine du mouvement artistique qu’on a appelé l’École de Moret.
Cette exposition entend faire connaître quelques figures éminentes de l’Association, gens de savoir et de culture à qui nous devons cette somme d’érudition que représentent les numéros, accumulés depuis un siècle, de la Revue des Amis de Moret et de sa Région.
Elle vise également à mettre en lumière des oeuvres issues d’un patrimoine trop souvent méconnu, que notre municipalité conserve précieusement et a bien voulu nous confier. Ces oeuvres sont signées de plusieurs peintres ayant entretenu des liens avec l’Association, que celle-ci leur ait porté une attention particulière ou qu’ils aient appartenu à l’École de Moret.
QUELQUES GRANDS AMIS DE MORET
Nous avons voulu mettre en avant quelques figures de l’Association des Amis de Moret et de sa Région, choisies parmi celles qui ont joué le premier rôle lors de sa fondation et se sont, pour certaines, illustrées lors des heures les plus tragiques de notre histoire, ainsi que parmi celles dont la production dans notre revue s’est distinguée par sa richesse et l’étendue du savoir qui s’y déployait.
Les fondateurs : Eugène MOUSSOIR et Daniel GUITAT
Eugène MOUSSOIR et Daniel ZOUITA (connu sous le nom de GUITAT), chacun à sa manière, ont joué un rôle central dans les premières décennies de l’Association des Amis de Moret et de sa Région. Et tous deux ont été emportés par la barbarie lors des heures les plus sombres que notre ville et notre pays aient eu à traverser au cours du siècle dernier.
C’est en 1925 qu’Eugène MOUSSOIR fonda la Société des Amis de Moret et de sa Région, dont il resta le Président jusqu’en 1944.
Daniel GUITAT a été le secrétaire de l’Association et le gérant de son bulletin, depuis sa fondation jusqu’en 1941 ; les vieux numéros de la revue laissent percevoir sa présence discrète mais constante : son nom apparaît au bas des rapports moraux successifs, et à l’occasion de tous les événements qui marquent la vie d’une société savante.
C’est pourquoi il avait de bonnes raisons d’écrire à Eugène MOUSSOIR, dans une lettre tragique du 1er janvier 1940 où il lui remettait sa démission, qu’il avait été « le deuxième promoteur » de l’Association. Grand connaisseur de la forêt de Fontainebleau, il était aussi membre de l’Association des naturalistes de la vallée du Loing.
Eugène MOUSSOIR s’engagea en 1942 dans le réseau Vélite-Thermopyles et fut le chef de la Résistance à Moret et ses environs. Arrêté avec Edmond DUPRAY et Guillaume VILLERET, autres membres morétains de son réseau, il est mort à Buchenwald le 23 mars 1944.
Daniel GUITAT fut, à la suite d’une dénonciation anonyme, arrêté le 13 octobre 1943, au motif qu’« il ne portait pas son étoile jaune ». Transféré au camp de Drancy avant d’être déporté le 18 octobre par le convoi N° 61 le 28 octobre 1943, il a été assassiné à son arrivée à Auschwitz le 3 novembre 1943, à l’âge de 75 ans.
Deux savants : Georges LIORET et Albert DIDON
Georges-François LIORET est né le 31 décembre 1852 à Moret et y a passé son enfance, avant de partir étudier au collège de Sens puis d’être admis, le 2 février 1872, à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr. Il quitta l’armée au moment de son mariage pour prendre la direction des affaires de son père. Revenu dans sa ville natale, il fut élu conseiller municipal en 1882, mandat qu’il garda jusqu’en 1919, et fut appelé aux fonctions de maire de 1908 à 1912. Il a aussi été conseiller d’arrondissement du canton de Moret et membre du Conseil général de 1895 à 1925.
Parallèlement à ses fonctions dans la vie de la cité, il s’est intéressé à l’histoire de Moret et a publié divers articles parus dans des revues savantes, et plusieurs ouvrages parmi lesquels on retiendra notamment :
Étude historique sur Jacqueline de Bueil, Comtesse de Moret (1588-1651), Paris, Picard & Fils, 1896 ; La Maison de Moret dite de François Ier, Fontainebleau, M. Bourges, 1910. Ces deux livres n’ont pas été rendus caducs par les publications ultérieures et sont encore aujourd’hui des références pour les spécialistes.
La guerre interrompit ses travaux historiques. Il fut successivement lieutenant, capitaine, commandant et lieutenant-colonel dans la Réserve et dans la Territoriale, et servit sur le front de Reims à la tête du 40e régiment d’Infanterie territoriale avant d’être envoyé à Nîmes comme instructeur des recrues. La paix le ramena à ses études historiques et préhistoriques.
Albert DIDON a notamment publié deux articles marquants dans la Revue des Amis de Moret et de sa Région, l’un en 1950, l’autre en 1952.
L’article de 1952 se penche sur la tradition affirmant que l’église de Moret a été consacrée par saint Thomas Becket, tradition douteuse bien qu’un vitrail de la cathédrale de Sens montre le saint consacrant une église qui passe pour être celle de Moret, alors qu’il a peut-être simplement visité l’église romane qui a précédé l’actuelle église. L’article rappelle aussi qu’un reliquaire de l’église a jadis contenu des ornements sacerdotaux supposés avoir appartenu à Thomas Becket – rumeur sans doute inspirée par la chasuble du saint conservée par le Trésor de la cathédrale de Sens.
L’article de 1950 porte sur le premier document à avoir mentionné Moret : une lettre de Loup SERVAT, abbé de Ferrières, à l’évêque de Paris, l’informant d’un synode tenu à Moret vers 850. La ville était donc, dès les temps carolingiens, assez importante pour accueillir un synode.
Albert DIDON semble en déduire que trois églises se seraient succédé à Moret : une église carolingienne, une église romane et l’église actuelle. Voilà qui suggère quelques recherches historiques et archéologiques à mener un jour.
Albert BRAY, Pierre BROCHARD : deux regards sur Moret
Né à Moret, Albert BRAY a été élève des Beaux-Arts après des études au collège de Fontainebleau. Tous les Morétains connaissent la « Maison du cadran », qu’il a fait édifier en 1910 pour ses parents alors qu’il achevait sa formation à l’école des Beaux-Arts. Ils connaissent aussi le castelet qu’il a fait construire en 1947 sur le Loing, à la place du moulin Provencher détruit en 1944, ainsi que la bâtisse néo-gothique qui se dresse au sud-est de l’église de Moret.
Il est devenu en 1922 architecte en chef du château de Fontainebleau, puis, en 1925, de la Seine-et-Marne. Il a exercé les mêmes fonctions dans d’autres régions de France. On lui doit aussi, outre les restaurations qu’il a dirigées à Fontainebleau, celles des églises de Moret, Larchant, Montereau, Provins et Melun.
S’il n’était nullement opposé aux évolutions qu’il savait inévitables, Albert BRAY a fréquemment exprimé, dans ses causeries comme dans ses articles, son attachement à la préservation du caractère unique de Moret. Il souhaitait que la ville conserve, autant que possible, l’allure singulière qui continue aujourd’hui encore de faire son charme. Dans un article publié en 1955 par la revue de notre Association, il examinait, en architecte et en historien, les fortifications qui participent grandement à l’identité visuelle et historique de Moret.
Les gravures de CHASTILLON ou de DUVIERT exposées ici montrent, en effet, que notre ville a su conserver, au moins dans ses grandes lignes, la physionomie qu’elle avait au tournant du XVIIe siècle et que des villes voisines, visibles dans le dessin de DUVIERT, ont depuis longtemps perdue, au grand regret d’Albert BRAY.
Les estampes que nous faisons voisiner ici offrent deux regards sur la ville de Moret : celui des topographes de l’époque classique et de l’architecte du XXe siècle, soucieux de restituer fidèlement la réalité ; celui de l’illustrateur Pierre BROCHARD, dont les dessins ont enchanté l’enfance des plus âgés d’entre nous.
Installé à Moret avec les siens à partir de 1981, il s’est impliqué dans la vie culturelle de la cité et lui a fait plusieurs fois place dans ses illustrations.
La vision qu’il nous en propose ici est proche du rêve, poétique et non dépourvue de malice. Mais qui n’est pas porté au rêve quand il se laisse aller à la contemplation d’une ville comme Moret ?
L’ÉCOLE DE MORET
L’Association des Amis de Moret et de sa Région se souciait autant de l’art que de la production et de la diffusion du savoir.
Outre les initiatives prises à l’époque de sa fondation, elle créa en 1948 le premier Salon de Moret. Un grand nombre d’artistes prirent part à sa création, parmi lesquels le peintre Camille VARLET, qui avait été l’un des derniers impressionnistes et l’élève d’Alfred SISLEY. En 1951, lors du troisième Salon de Moret, Gaston BROSSET, l’un des exposants, proposa de constituer un cénacle qui diffuserait des œuvres dans la région de Moret et favoriserait les échanges entre artistes. C’est ainsi que, le 29 septembre 1951, l’École de Moret, filiale artistique de l’Association des Amis de Moret et de sa Région, prit naissance. Dès le 16 décembre de cette année-là, elle présentait, à Moret même, sa première exposition.
L’année suivante, les Amis de Moret lui confièrent l’organisation du Salon de Moret et les expositions se succédèrent au cours des décennies suivantes, à Moret, à Fontainebleau, à Montigny-sur-Loing, à Montereau, à Montargis et même, dans le cadre du Salon de l’Art libre, à Paris. Outre les artistes locaux, plusieurs peintres ou dessinateurs éminents, tels Bernard BUFFET et André DUNOYER DE SEGONZAC (célèbre notamment pour avoir laissé des dessins de Marcel PROUST sur son lit de mort), y furent honorés. L’exposition annuelle organisée par l’École de Moret fit même place en 1986, à des artistes allemands de la ville de Constance, jumelée avec Fontainebleau, puis, en 1987, dans le cadre d’un « Hommage à la Hollande », à des graveurs néerlandais.
Gaston BROSSET présida l’École de Moret jusqu’en 1962, date à laquelle Jean BERTHOMIEU prit sa succession et resta président jusqu’en 1970.
Roger FARDE devint alors président puis reçut le titre de président d’honneur en 1984 lorsque Roger FORISSIER prit sa succession. Sous la présidence de ce dernier, l’École de Moret revint à sa vocation première : organiser à Moret, ainsi que dans plusieurs villes voisines, des expositions destinées à contribuer au renom artistique de la région. Si l’École de Moret n’existe plus aujourd’hui en tant qu’institution, l’Association des Amis de Moret et de sa Région organise chaque année un Salon des Arts qui en perpétue l’esprit.









